IMMOBILIER: LA VIE EN HLM ÉTUDE DE LA CONFEDERATION GENERALE DU LOGEMENT
Rédigé par 01 immobilier -Les raisons qui nous ont amené à étudier la manière dont les locataires des logements sociaux « vivaient ou ressentaient leur logement et leur environnement » sont simples : d’abord nous avons voulu leur donner la parole, ensuite nous avons souhaité mettre à mal un certain nombre d’idées reçues sur les logements sociaux, enfin il nous a semblé nécessaire, à un moment où les pouvoirs publics légifèrent sur le logement social, de rappeler quelques réalités en s’appuyant sur ce que les habitants eux-mêmes constataient.
PRÉAMBULE
Les conclusions auxquelles nous arrivons, en analysant un échantillon de 1278 réponses venant de 39 départements et concernant 109 organismes HLM sont claires : les locataires des logements sociaux sont majoritairement satisfaits de leurs conditions de vie et même du montant de leur loyer. Ainsi, en logeant plus de 4 millions de familles dont la très grande majorité n’aurait aucune possibilité de pouvoir se loger dans les mêmes conditions de confort dans le secteur privé, notre pays a construit un système irremplaçable pour loger la partie de sa population la moins fortunée. Ce système a donné de bons résultats, c’est pourquoi il est important de le conserver en l’adaptant certes aux évolutions de notre société, mais en gardant les équilibres internes qui en ont faits son succès.
Or, les évolutions législatives proposées actuellement, notamment la loi « Egalité et Citoyenneté », nous inquiètent parce qu’elles comportent en germe de profondes modifications qui pourraient amener le logement social à évoluer vers un logement pour « pauvres ».
Cette étude a été réalisée par la CGL (Confédération Générale du Logement), créée en 1954 à l’initiative de l’Abbé Pierre, qui est une association nationale de consommateurs reconnue par les pouvoirs publics et une association nationale représentative des locataires. Spécialisée dans le domaine du logement, elle regroupe, informe et défend les locataires, les accédants à la propriété et les copropriétaires occupants. Au travers de plusieurs centaines d’associations locales, elle est présente sur la plupart des départements.
LE LOGEMENT SOCIAL : ÉTAT DES LIEUX
Le parc social a eu traditionnellement la vocation d’accueillir différentes catégories de la population en favorisant l’égalité des chances et la mixité sociale. C’est pourquoi le modèle français du logement social à toujours été celui d’un modèle généraliste, susceptible d’accueillir un large éventail de populations.
En 2015, plus de 12 millions de nos concitoyens habitent dans le parc social (source : USH et Comptes du logement). Ce chiffre représente 17,5 % de l’ensemble des ménages français et 45 % du total des locataires à l’échelle nationale. Ces familles vivent dans un patrimoine de 4,4 millions de logements sociaux gérés par 5 fédérations et environ 780 organismes (Office Public de l’Habitat, Entreprises sociales pour l’habitat, coopératives hlm, etc.). Comparées à l’ensemble de la population, les familles monoparentales sont sur représentées dans le secteur HLM (20 % contre 8 % pour l’ensemble de la population) de même les ouvriers (25 % contre 17 %) et les employés (22 % contre 12 %). 60 % des ménages logés par les organismes HLM ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de ressources (ex : le plafond de ressources pour l’attribution d’un logement social en province équivaut à un salaire net mensuel de 1900 € pour une personne seule et 3600 € pour un ménage de 4 personnes). 2,2 millions de ménages locataires HLM bénéficient d’une aide personnelle au logement. 3 % des ménages logés en HLM sont susceptibles d’être assujettis au supplément de loyer de solidarité, leurs revenus ayant augmenté, depuis leur entrée dans le parc HLM, au-delà des plafonds de ressources.
Enfin, le revenu mensuel moyen de l’ensemble des ménages français à progressé de 22 % entre 1984 et 2012, celui des locataires du parc HLM à diminué de 13 % sous l’effet notamment de la sortie du parc de ménages aux revenue plus élevés que ceux des nouveaux entrants (Source : ENL, extrapolée avec ERFS en 2012).
Progressivement, le niveau de revenus des locataires du secteur HLM, s’appauvrit année après année. Ces quelques éléments statistiques rétablissent une vérité souvent oubliée : le secteur du logement social remplit son rôle, il loge des populations aux revenus modestes qui seraient dans l’impossibilité de se loger dans le secteur privé si les HLM n’existaient pas (rappelons qu’en moyenne, les loyers du parc HLM sont inférieurs de 30 % à ceux du parc privé).
Enfin, on entend souvent dire que la politique du logement coûte chère à la collectivité (45 milliards d’euros), mais on oublie d’ajouter qu’elle rapporte aux collectivités publiques, locales et à l’Etat 60 milliards.
MÉTHODOLOGIE
Nous avons pris le parti de faire distribuer par voix militante, entre novembre 2015 et mai 2016, un questionnaire (annexe 1) dans les boites aux lettres des locataires HLM dans lequel nous proposions de répondre à 11 groupes de questions portant sur :
l’entretien de l’immeuble
le cadre de vie
le loyer
les charges locatives
le supplément de loyer de solidarité (SLS)
la participation à la vie sociale du quartier
les ordures ménagères
la sécurité
les relations avec le bailleur
les coordonnées du répondant
les coordonnées du bailleur
Nous demandions ensuite aux personnes de nous retourner le questionnaire à l’adresse du siège national de la CGL ou d’y répondre en ligne.
Environ 250 000 questionnaires ont ainsi été distribués dans une quarantaine de départements auxquels ont répondus 1278 locataires logés par 109 bailleurs sociaux différents. Le dépouillement de ces questionnaires a été fait par une personne spécialisée dans l’analyse statistique.
L’ENTRETIEN DE L’IMMEUBLE, L’HYGIÈNE
Cette thématique est abordée à travers quatre questions auxquelles les locataires répondent en
majorité positivement.
On distingue toutefois des différences :
Si les locataires trouvent à 71 % que l’entretien de leur immeuble est régulier, ilsconstatent que celui-ci n’est bien fait que dans 58 % des cas.
La différence de 13 % n’est pas négligeable.Il en est de même pour les orduresménagères. Leur évacuation est faite en nombre suffisant pour 76 % des personnes.Par contre, ils ne sont plus que 58 % à constater qu’ils ont un local poubelles aéré,c’est-à-dire, un local fermé réservé aux poubelles et disposant d’une porte pour y accéder.
D’une manière générale et malgré un pourcentage de réponses négatives non négligeables (qs 1.1 : 26 % ; qs 1.2 : 36 % ; qs 6.1 : 20 % ; qs 6.2 : 37 %) la question de l’entretien de l’immeuble et de l’hygiène est vécue positivement par une nette majorité d’habitants.
LE CADRE DE VIE, L’ENVIRONNEMENT
Il était clairement précisé dans la question, que nous entendions par cadre de vie et environnement, les espaces verts, les commerces, les transports, etc… pour éviter l’amalgame avec d’autres thèmes comme la sécurité par exemple.
A cette question, plus des 2/3 des locataires (68 %) répondent qu’ils sont satisfaits de leur cadre de vie contre 25 % qui sont d’un avis contraire.
Très souvent, l’idée d’un habitat social associée à un environnement dégradé est colportée.
La réponse massive à cette question montre qu’on est loin de cette situation et que l’habitat social est aussi synonyme de qualité de vie.
LE LOYER, LES CHARGES LOCATIVES
Le thème du coût de la quittance est très important.
Effectivement, la population logée dans le logement social dispose de faibles ressources et la « charge logement » peut impacter
fortement le budget des ménages. Avoir l’opinion des familles elles-mêmes sur cette dépense nous a semblé être un élément important du ressenti des locataires sur leur cadre de vie.
1ère constatation : le loyer est « bien » accepté. Le niveau de loyer est considéré comme correct par les 2/3 des locataires contre moins d’1/4 qui pensent le contraire. Par ailleurs, les 3/4 affirment ne pas avoir de difficultés pour le payer chaque mois contre 1/5 qui affirment le contraire.
2ème constatation : les charges « passent »mal. Un gros tiers des locataires les trouve adaptées, un tiers inadaptées et 1/4 n’a aucune opinion sur les provisions de charges payées chaque mois. La différence avec l’opinion portée sur le loyer est assez saisissante.
Par ailleurs, 55 % s’estiment très bien ou un peu informés sur les charges qu’ils payent contre 31 % qui pensent le contraire.
L’éclatement des opinions montre un réel problème de perception des charges locatives par les locataires. Il est vrai que celles-ci ont fortement augmenté ces dernières années allant, dans certains cas, jusqu’à égaler voire dépasser le niveau de loyer.
LE SUPPLÉMENT DE LOYER DE SOLIDARITÉ
Effectivement, la population logée dans le logement social dispose de faibles ressources et la « charge logement » peut impacter fortement le budget des ménages. Avoir l’opinion des familles elles-mêmes sur cette dépense nous a semblé être un élément important du ressenti des locataires sur leur cadre de vie. 1ère constatation : le loyer est « bien » accepté.
Sur les 1278 questionnaires reçus nous avonsrecensé 96 personnes qui ont répondu « oui » à la question « payez-vous un surloyer mensuel ? » ce qui représente 8 % de l’ensemble des questionnaires. Si l’échantillon est trop restreint pour tirer des conclusions certaines, il nous semble quand même intéressant à étudier compte tenu de la diversité géographique des
réponses. Effectivement, ces 96 réponses se répartissent sur 24 départements et 41 villes.
Si les 2/3 des personnes assujetties au paiement d’un SLS le sont depuis moins de 5 ans, il en a quand même 1/3 qui payent ce surloyer depuis plus de 5 ans et ont fait le choix, contraint ou volontaire, de rester locataire d’un logement social.
Toutefois 55 % d’entre elles le trouvent injuste et trop élevé contre 28 % qui le trouvent juste et
adapté. Enfin, il est intéressant de pointer que 39 % d’entre elles ont envisagé de quitter le logement social alors qu’1/3 participe à la vie sociale du quartier
Les réponses portant sur le SLS proviennent de 41 villes réparties sur 24 départements.
Ce relatif éclatement géographique nous amène à considérer que notre échantillon, bien que faibleen nombre, est probablement assez proche d’un échantillon représentatif.
LA SÉCURITÉ
Ce thème sensible est abordé par 2 questions : la sécurité dans le logement et la sécurité dans le quartier. Si 68 % des locataires se sentent en sécurité dans leur logement (il y en a quand même 24 % qui répondent non à la question), ils ne sont plus que 54 % à se sentir en sécurité dans leur quartier (contre 33 % qui sont d’un avis contraire). Il est intéressant d’observer la progression des « sans opinion » d’une question à l’autre : de 8 % pour la question sur la sécurité dans le logement on passe à 13 % pour la sécurité dans le quartier preuve, selon nous, de l’existence d’un malaise lorsqu’on aborde ce thème.
Nous avons souhaité en savoir un peu plus en comparant les réponses de 2 départements sociologiquement différents pour lesquels nous avions reçus un nombre important de réponses : les Hauts-de-Seine (92) et la Seine-Saint-Denis (93). Pour le 92 nous avons reçu 127 réponses, pour le 93 nous en avons réceptionné 178. Les histogrammes parlent d’eux-mêmes : les réponses vont dans le même sens que les constats faits pour celles portant sur l’ensemble de notre échantillon en étant toutefois BEAUCOUP PLUS CONSTRASTEES.
La sécurité, notamment dans le quartier, est donc une préoccupation des locataires des logements sociaux, mais l’importance de cette préoccupation varie fortement d’un secteur géographique à un autre.
LES RELATIONS AVEC LE BAILLEUR
Ce thème a été abordé par 2 questions : la relation directe avec le bailleur et les réclamations. La relation avec le bailleur est jugée très satisfaisante pour 42 % des locataires et « à peu près satisfaisante » pour 13 %, ce qui représente 55 % d’opinions positives.
A l’inverse près du quart (23 %) des locataires jugent la communication avec le bailleur plutôt insuffisante et 21 % inexistante, soit 44 % qui ont une opinion plutôt négative de la relation avec leur bailleur.
Ces résultats dégagent une majorité d’opinions positives mais également une forte minorité d’opinions négatives. Ils contrastent avec les réponses aux autres questions.
Cette caractéristique nous amène à pointer une faiblesse dans la relation bailleurs-locataires.
Comme indiqué précédemment, les questionnaires reçus proviennent de 40 départements parmi lesquels 7 ont un nombre de réponses significatives (au minimum une 50e). Il nous a semblé intéressant d’en comparer les réponses.
Comme indiqué précédemment, les questionnaires reçus proviennent de 40 départements parmi lesquels 7 ont un nombre de réponses significatives (au minimum une 50e). Il nous a semblé intéressant d’en comparer les réponses.
Pour cette seconde question, la comparaison entre départements est également très intéressante
LES MOTIVATIONS POUR RESTER OU QUITTER LE LOGEMENT SOCIAL
En complément des questions dites « fermées » de l’étude, nous avons souhaité laisser la parole aux habitants afin qu’ils puissent s’exprimer librement sur les raisons qui les amèneraient à partir dulogement social, et également les motifs qui les incitent à y rester. Voici un aperçu des retoursobtenus : Les raisons qui vous amèneraient à quitter le secteur HLM ?
De nombreux commentaires évoquent le manque d’hygiène du logement ou même du quartier, ainsi que les diverses nuisances causées par les habitants :
« Les incivilités, les loyers qui ne cessent d’augmenter »
« Les nuisances du voisinage et l’insalubrité du logement, non résolus. Les dégradations de l’immeuble et du quartier »
« J'aimerais partir à un endroit plus propre et tranquille. Beaucoup de bruits et saleté »
« Appartement trop vieux, il n'est plus dans les normes d'électricité, sanitaires. Bruits du voisinage. Depuis 2 ans, on met n'importe qui. Révoltée comme beaucoup de monde. Pensez aux locataires et mettez vous à leur place. Plus de sécurité pour les véhicules, etc. »
Par ailleurs, plusieurs locataires affirment l’impossibilité de partir du logement social, non pas par choix délibéré mais en raison des loyers trop élevés dans le parc privé :
« Mes revenus ne me permettent pas d’envisager de quitter le secteur HLM »
« Pas d’autre choix »
« Mes revenus ne me permettent pas d’aller dans le privé, car je ne peux pas bloquer de dépôt de garantie ».
Enfin, il existe d’autres motivations d’ordre plus personnelles ou apparentées à un projet de vie pour quitter le logement social : la vie en province ou un projet de déménagement une fois à la retraite sont également évoqués comme motif.
Les motivations pour rester dans un logement HLM ?
Concernant les éléments positifs incitant la population à rester dans le parc social, les loyers à bas prix et la vie sociale du quartier arrivent en première position :
« Je me sens bien dans mon HLM et dans le quartier »
« La solidarité, le coût de la vie et les loyers adaptés aux revenus »
« Vie sociale, relation avec le voisinage »
« Le loyer adapté à nos revenus, les espaces verts, les transports et les écoles proches »
« Chauffage adapté à mon état de santé. Commodités bien desservies »
« Le rapport qualité/prix du loyer par rapport au marché libre »
« Parce que j’apprécie ce logement où j'habite depuis 40 ans et je n'ai pas les moyens de me loger dans le privé dans la même commune »
Ainsi, la question du loyer est au centre des motivations des habitants du logement social, que ce soit par choix ou par contrainte.
CONCLUSION
Notre enquête sur « la vie en HLM » s’est organisée autour de 9 thèmes que nous considérons comme les plus importants pour tenter d’apprécier le ressenti des locataires.Force est de constater que le dépouillement des 1278 questionnaires reçus indique que les locataires du secteur HLM sont globalement satisfaits de leurs conditions d’habitation. Toutefois, nousconstatons des variations du niveau de satisfaction, selon les thématiques. Ainsi, l’entretien de l’immeuble, le cadre de vie, le niveau du loyer, la sécurité dans le logement sonttrès majoritairement bien vécus : plus des 2/3 des locataires apprécient positivement ces 4 éléments,même si le niveaud’appréciation baisse (tout en restant très positif) quand il porte sur la qualité del’entretien.
Une thématique dégage un pourcentage de réponses positives moins importantes mais néanmoins majoritaires : c’est celle de la sécurité, dont les réponses sont très contrastées et varient selon lesterritoires.
C’est finalement le thème portant sur la relation bailleur-locataire qui dégage le niveau de satisfaction le plus faible même s’il reste majoritaire et variable selon les territoires.
Concernant le SLS, qu’un quart de ceux qui le payent trouve juste et adapté, il est intéressant de regarder les commentaires faits par les personnes qui le payent (rappelons que nous avons examinés 96 questionnaires provenant de 41 villes réparties dans 24 départements).
L’hygiène ou les nuisances
du voisinage amènerait ces locataires à quitter leur logement mais le niveau de revenu est une raison qui oblige certains à y rester. Pour ceux qui choisissent de garder leur logement, même avecun SLS, leurs motivations pour rester dans le parc social sont le faible niveau des loyers et la vie sociale du quartier.
Finalement, il se dégage de cette enquête que « la vie en HLM » est plutôt appréciée des familles qui y vivent ce qui peut expliquer, en partie, le faible taux de renouvellement de sa population. Il y a là une sorte de « plébiscite » pour le modèle que représente le logement social français qui s’esttoujours voulu généraliste.
Pourtant, celui-ci est de plus en plus discuté et son évolution vers un modèle réservé essentiellement aux familles disposant d’un très faible revenu est de plus en plus mis en avant. Cette situation risque de pénaliser les couches populaires se situant entre les familles à très faible revenu et les classes moyennes parce qu’elle se fait sans apport important de nouveaux logements.
Nous espérons que cette étude fera prendre conscience à nos décideurs publics qu’il pourrait être dangereux pour les équilibres sociaux de nos villes de changer un modèle qui a donné de bons résultats.
